Avec et par Jésus ressuscité, sortons de nos tombeaux
Ce vendredi saint, nous étions nombreux au pied de la Croix contemplant, avec émotion, Jésus crucifié, Jésus défiguré, Jésus écartelé. Nous étions aussi tentés à détourner notre regard. Cet homme mutilé, suspendu sur une croix, nous interpelle, car il nous renvoie à une brûlante actualité. En effet, la crucifixion de Jésus nous renvoie à la souffrance de tant de frères et sœurs seychellois aliénés dans leur humanité par des forces de destruction.
Oui, la crucifixion de Jésus se poursuit à travers ces 10.000 Seychellois esclaves de la Cocaïne, du crack et des drogues synthétiques. Nous avons été choqués, à juste triste, en visionnant une émission de la BBC concernant le fléau de la drogue aux Seychelles. Ce documentaire dramatique se joue en direct dans tant de familles, de cantons, et même dans les établissements scolaires des Seychelles. Ainsi le paradis se transforme en enfer pour tant de nos frères et sœurs. Durant ce temps, telles des punaises buvant le sang de leurs victimes, les gros trafiquants de drogue, ces marchands de morts, s’enrichissent d’une manière insolente et se vident de leur humanité.
La crucifixion de Jésus se poursuit aussi lorsque tant de nos compatriotes – dès les classes du cycle primaire – sont devenus des ‘addicts’ de la pornographie. De nombreux psychiatres tirent la sonnette d’alarme sur cette addiction qui a des conséquences désastreuses pour la santé psychique et contribue grandement à alimenter la violence dans les relations hommes-femmes et ceci en réduisant la personne humaine à un objet de plaisir. Par ailleurs, nos jeunes, par toute sorte d’idéologies, en rupture totale avec nos grandes traditions culturelles et avec nos racines chrétiennes, sont souvent en pleine confusion et ne savent plus quel chemin prendre. Les repères moraux sont totalement brouillés. De nombreux citoyens avancent comme dans un épais brouillard et ont de la peine à distinguer le bien du mal, ce qui est permis et ce qui est défendu, mais bien davantage à se donner un objectif, un idéal dans la vie. Est-ce que cette crise existentielle n’explique pas, pour une part, ce triste record mondial que nous détenons concernant la consommation de drogue et d’alcool?
‘Tous les gens qui ont assisté à la scène (la mise à mort de Jésus) et vu les événements partent en se frappant la poitrine.’ (Luc 23 vs 48) Est-ce que nous aussi nous nous contenterons d’assister, comme des témoins passifs, à ce qui se passe dans notre société, quitte après coup à nous frapper la poitrine ! En conscience, nous ne pouvons pas vivre dans le déni car c’est le corps social des Seychelles dans son ensemble qui est transpercé, tout comme Jésus sur La Croix. Pensons encore à la dévalorisation du sens du travail dans notre société, à la baisse des mariages et de la natalité, à la perte de conscience de notre identité Kreol, aux nombreux crimes de sang. Cette crise morale, sanitaire, démographique devrait nous interpeller, nous inquiéter et nous faire réagir.
Au soir de Pâques, Jésus Ressuscité se fait reconnaître par ses amis en leur montrant ses mains transpercées par les clous et son côté par la lance. C’est bien Jésus – le corps de Jésus, ce corps déchiqueté, qui est ressuscité et non pas son âme qui aurait survécu!
Saint Augustin aimait dire : ‘Dieu nous a créés sans nous, mais il ne veut pas nous sauver sans nous.’ Nous ne sommes pas des robots. Dieu suscite notre coopération pour nous libérer de ce qui nous enchaîne, de ce qui nous blesse profondément – corps et âme. Comment ?
Tout d’abord, en nous laissant accompagner et guider par Jésus ressuscité, regardons avec courage la réalité en face. Dans l’évangile selon saint Jean, Jésus nous dit que la vérité nous rend libres.
Par ailleurs, toute la Nation, à travers les institutions, c’est-à-dire la Présidence et l’exécutif, le législatif – la majorité comme l’opposition, le judiciaire et les forces de l’ordre, l’administration et les différents corps d’état, les religions et les ONG, a le devoir de tout mettre en œuvre pour protéger les familles et particulièrement les enfants, les jeunes et les personnes les plus vulnérables. Tous devraient avoir comme unique objectif le bien commun de notre société. Ainsi, nous sommes tous appelés à mettre en commun nos énergies et nos volontés pour protéger la société par rapport aux fléaux qui nous affectent. Par exemple, de même qu’il serait urgent de renforcer la législation concernant les barons de la drogue, entre autres concernant leurs enrichissements suspects, il serait important d’avoir une législation et des mesures adéquates pour que les enfants et les plus jeunes n’aient pas accès à des sites pornographiques. Par ailleurs, la société dans son ensemble doit se mobiliser et trouver les moyens humains et financiers pour apporter les soins nécessaires à tous ceux et celles qui sont sous les emprises des addictions. Ce sont des personnes malades qui ont besoin d’une assistance médicale, psychologique et spirituelle.
Les familles et chacun de nous devons également prendre davantage nos responsabilités. Éduquer signifie faire grandir. Comment éveiller en nous et autour de nous un sursaut moral et ceci dans tous les secteurs de notre vie en commun? Comment aider les enfants et les jeunes à acquérir de bonnes habitudes : le respect des autres et de soi-même, le sens des autres et du bien commun, un esprit civique, une sexualité animée par un amour de l’autre dans sa différence – son altérité, la réalisation de soi par le travail, une formation pour une bonne utilisation des réseaux sociaux. Cette éducation passe d’abord par l’exemplarité – ‘role model’ – des adultes . Comment être crédible autrement ?
En passant par le désert à la suite de Jésus, montons au Golgotha. Avec et à la suite de Jésus, sortons de nos tombeaux afin que nous soyons plus libres, plus solidaires, et plus fraternels. Avec et par la puissance de vie de Dieu, devenons ce à quoi nous sommes appelés, dès avant la fondation du monde, c’est-à-dire des fils et filles de Dieu par Jésus Le Christ.
En cette fête de Pâques, prions le Seigneur pour la résurrection du corps social des Seychelles. C’est notre Espérance.