Messe Chrismale - Homélie de Mgr Alain Harel

MESSE CHRISMALE

Homélie de Mgr Alain Harel

Dans mon bureau, à l’évêché, il y a une table basse dont le plateau est d’une seule pièce, et qui provient, me semble-t-il, d’un tronc de takamaka. Ce plateau repose sur 3 pieds qui en assurent sa stabilité. Imaginons qu’un des pieds de la table se casse ou se fragilise et c’est tout l’équilibre de la table qui est en jeu.

En réfléchissant et en préparant cette homélie à l’occasion de la fête du sacerdoce, cette table à 3 pieds, œuvre d’un artisan Seychellois, m’a donné à réfléchir. Comment ? Tout simplement, les trois pieds m’ont fait penser aux 3 ‘sacerdoce’ que nous fêtons au cours de cette messe chrismale, soit : le sacerdoce du Christ, le sacerdoce ministériel (des prêtres) et le sacerdoce commun des fidèles. Deux manières complémentaires pour nous chrétiens de vivre le sacerdoce en étant associés au sacerdoce unique de Jésus, lui le Christ, qui veut de notre collaboration pour témoigner avec lui du projet de Dieu pour l’humanité. Dans la comparaison proposée, le plateau de la table représente le projet de Dieu pour l’humanité.

Au cours de cette cérémonie eucharistique, je vais bénir les saintes huiles et particulièrement le saint chrême. Le nom ‘saint chrême’ vient du mot Christ, qui lui-même signifie l’oint. Dans l’Ancien Testament, le grand-prêtre, mais aussi les rois et, parfois les prophètes, étaient oints d’huile. Par ce geste cultuel ils étaient consacrés à leur mission confiée par le Seigneur. Ils recevaient ainsi sa force pour pouvoir l’accomplir.

Pour le Nouveau Testament Jésus est l’oint par excellence c’est-à-dire le Christ. Jésus Le Christ. C’est la raison pour laquelle il n’a pas eu besoin de recevoir le geste cultuel de l’onction d’huile. Jésus, le Fils éternel du Père, vivant dans la communion trinitaire, est Le Consacré, le grand prêtre par excellence comme nous dit la lettre aux Hébreux. En lui, le grand prêtre et l’offrande ne font qu’un, car toute sa vie est une offrande, une prière. Dès sa première respiration sur cette terre, dans cette écurie à Bethléem, Jésus vit par le souffle de l’Esprit Saint. Animée par le souffle de l’Esprit Saint, toute sa vie terrestre est une vie toute donnée, une vie consacrée aux autres, sans une once de repli sur soi. Oui. Comme il le proclame dans la synagogue de Nazareth :

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés. »

Luc 4 vs 18

Cet après-midi rendons grâce à Dieu notre Père pour le sacerdoce de Jésus, lui qui nous a donné toute sa vie jusque sur La Croix; Jésus qui, en instituant l’eucharistie  le Jeudi Saint, continue, à travers les âges, à nous donner sa vie pour que nous fassions de nos vies, des vies données. Le sacerdoce de Jésus est ‘le premier pied de la table’, qui soutient le plateau, c’est-à-dire la mission de l’Église – l’Église, le corps du Christ,  pour parler comme l’apôtre Paul.  Les Saintes Écritures parlent de Jésus comme de la pierre angulaire sur qui repose tout l’édifice de l’église – l’ecclésia –  et sa mission.

Cet après-midi nous rendons grâce aussi au Seigneur pour le sacerdoce des prêtres. Nos mains de prêtres ont été ointes du saint chrême le jour de notre ordination. En faisant cette onction, l’évêque consécrateur nous a adressé ces paroles : « que le Seigneur Jésus Christ (l’oint), lui que le Père a consacré par son Esprit Saint et sa puissance, vous garde pour sanctifier le peuple chrétien et pour offrir à Dieu le sacrifice eucharistique. » Oui frères prêtres, Jésus nous associe au plus près à son sacerdoce pour sanctifier son peuple par l’annonce de l’Évangile, par nos soins pastoraux et en présidant les sacrements, particulièrement l’eucharistie, le cœur battant de toute vie chrétienne. Je rends grâce au Seigneur pour votre ministère, c’est-à-dire, mot à mot pour votre service. En mon nom personnel comme votre nouvel évêque – je pense spécialement cet après-midi à l’évêque émérite, Mgr Denis Wiehe, qui fut au service de notre diocèse durant 18 ans – et au nom de toute la communauté chrétienne, je vous remercie pour votre générosité, votre disponibilité et toute votre collaboration. Avec cette pandémie du Covid19 nous vivons aussi comme prêtres un moment de grande épreuve car nous sommes, de fait, confinés par rapport à notre famille paroissiale qui est notre famille au sens propre du terme et notre raison de vivre. La distanciation, les masques, le sanitizer sont autant de barrières, actuellement nécessaires, qui pourtant nous perturbent et, parfois même nous déstabilisent, car nous faisant vivre séparés de notre famille, c’est-à-dire de la communauté chrétienne de notre paroisse. Frères prêtres, en communion avec votre évêque, vous êtes, nous sommes, ‘le deuxième pied’, pieds certes fragiles, qui en communion étroite – vitale – avec Jésus, soutenons la mission confiée à l’église par notre Seigneur. Comme il nous a été dit le jour de notre ordination presbytérale : « que Dieu achève en nous ce qu’il a commencé »  

Aujourd’hui nous fêtons aussi le sacerdoce commun des fidèles  car, par notre baptême et notre confirmation, où nous avons été marqués au front avec le saint chrême, nous sommes devenus un peuple de prêtres, de prophètes et de rois. Par la force de cette consécration, les fidèles sont appelés à faire de leur vie une offrande en s’engageant au cœur des réalités de ce monde pour témoigner de Jésus, le libérateur. Se nourrissant des sacrements, de la Parole et du soutien de la vie communautaire, les fidèles laïcs  et religieux sont ainsi appelés à donner le goût de l’Évangile là où se joue l’avenir de l’humanité en commençant par leur famille. C’est la raison pour laquelle, avec l’aide des prêtres et la Commission Famille du diocèse, je vous invite, chères familles Seychelloises, durant les 12 prochains mois, à réfléchir, à prier et à agir pour que nous prenions particulièrement soin de nos familles, la base même de la société. La famille n’étant pas une cellule isolée, je vous invite, au nom du sacerdoce commun reçu à votre baptême et à votre  confirmation, à vous engager dans l’éducation, la politique, le syndicalisme, l’économie, la culture etc., là où se décide notre avenir. Le sacerdoce commun est le ‘troisième pied’ sur qui repose la table, c’est-à-dire la mission que Dieu confie, à la suite de Jésus, en s’appuyant sur Jésus,  à l’ensemble de l’Église.

Tout comme la table à besoin des 3 pieds, de même pour vivre la mission qui nous a été confiée par le Seigneur, nous – sacerdoce ministériel et sacerdoce commun — avons besoin d’agir en étroite collaboration en nous appuyant sur Jésus, la pierre angulaire. Si dans la manière de penser la mission de l’Eglise et de la vivre  il y a le binôme Jésus – évêques, les prêtres et les diacres en mettant de côté les fidèles laïcs et religieux, il y a le grand risque du cléricalisme. Si d’autre part, il y a là binôme Jésus – laïcs et religieux  en excluant les ministres ordonnés, il a le risque que l’Église devienne une ONG et que les chrétiens se donnent à eux-mêmes leur mission. Or, nous recevons tous notre mission de Jésus. Le sacerdoce ministériel est le sacrement par lequel Jésus convoque son Eglise, la nourrit et l’envoie en mission.

Sacerdoce de Jésus (pierre angulaire) sacerdoce ministériel et sacerdoce des fidèles sont appelés, chacun dans son rôle, à porter la mission, tout comme ‘les trois pieds’ portent le plateau de la table. Oui, Jésus a voulu et il a choisi de nous associer à son sacerdoce unique, irremplaçable. Il nous demande et il nous fait confiance, malgré nos fragilités, de porter avec lui sa mission, d’où l’image du plateau.

N’est-ce pas cela une Église synodale ?…. faire route ensemble, dans la diversité et la complémentarité des vocations, en ayant l’assurance d’être accompagnés, tout au long de la route, par un ami fidèle, un grand frère, Jésus le Christ, l’oint.

Au cours de cette eucharistie, rendons grâce au Seigneur pour notre vocation, pour la confiance qu’il nous fait et pour sa promesse d’être toujours avec nous.

Amen.

 

+  Alain Harel